Méditation chrétienne du Québec et
des régions francophones du Canada (MCQRFC)

MEDIUM – texte du 28 janvier 2025

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MEDIUM – texte du 28 janvier 2025

 

Catherine

 

Les grandes institutions se déshumanisent facilement. On peut se sentir comme un colis FedEx perdu dans un système mondial qui se complique de lui-même. Vérifier la progression de son colis revient à se rendre compte qu'on est perdu et invisible ; ou, comme un astronaute détaché comme un orphelin du vaisseau-mère et qui s'en éloigne dans l'espace vide.

 

Lorsque je me suis présenté au service pour mon premier traitement de trois jours, les signes n’étaient pas propices. En fait, c’était un endroit très humain, mais il s’était oublié. C’était la fin de l’après-midi, le changement d’équipe approchait et il faisait sombre. La plupart des patients qui le pouvaient étaient partis pour Noël. Mais les infirmières assises devant les ordinateurs à leur poste m’ont ignoré, apparemment non programmées pour le monde réel. Lorsque nous avons trouvé la personne responsable de l’admission des nouveaux patients, elle a levé les yeux à contrecœur et a prononcé ses premiers mots dans une triste complainte : « Je n’ai pas encore déjeuné. » J’ai regardé ma compagne et nous avons vu le côté drôle qui a marqué le début du changement. Soudain, depuis les coulisses, une infirmière noire mince, dynamique et hyper énergique est apparue avec un sourire radieux et un fort accent louisianais chantant. Elle s’est présentée comme Catherine et m’a accueilli comme si tout l’hôpital avait attendu ce moment toute la journée.

 

Je ne pouvais pas lui parler sans imiter son accent, ce qui la ravissait. Tandis qu’elle cliquait sur les liens de son ordinateur de poche, j’appris qu’elle était mère de neuf enfants, qu’elle avait vingt-deux petits-enfants et deux arrière-petits-enfants et qu’elle allait les nourrir tous pour le jour de Noël. Je lui ai demandé ce qui allait être au menu, me demandant si elle m’inviterait. Elle a énuméré une liste de plats cajuns, dont un qui sonnait différemment et qui, m’a-t-elle dit, était à base de testicules de porc. Heureusement, il semblait que personne ne les aimait vraiment. Ils étaient inclus pour rappeler à la famille qu’ils étaient les descendants d’esclaves et que leurs ancêtres avaient été déshumanisés au cours de ces siècles cruels. Un instant, j’ai pensé au Na Mishtana, les quatre questions rituelles du repas de la Pâque qui transmettaient la mémoire collective de leur race. Mais Catherine a dit non, ils ne faisaient pas ça. Ils ne parleraient pas de l’époque de l’esclavage, a-t-elle dit, mais ils célébreraient leur liberté en chantant et en festoyant. À ce moment-là, j’étais enregistré.

 

Elle était pleine de foi en l’humanité, se réjouissant d’elle-même, et où Dieu n’était-il pas pour elle ? Sa brève épiphanie (je ne l’ai plus revue car les anges ont tendance à disparaître une fois qu’ils ont délivré leur message) m’a frappée par la force féminine de la réalité. Non pas la force politique mais le pouvoir plus profond de la nature exprimé dans les Vierges noires à travers les cultures du monde entier. Génératrices, attentionnées, puissamment résilientes et sans sentimentalité, à la hauteur de la tromperie masculine, combinant une compassion intense et un détachement total, comme la création et la mort. Comme la matière noire de l’univers que la science ne peut comprendre.

 

Depuis mon intronisation, j'ai reçu des soins de qualité et bienveillants. Catherine m'a rappelé la force au-delà de l'efficacité dont nous avons également besoin pour nous sentir inclus dans un véritable processus de guérison. Parallèlement à la science magique de la médecine, bien que moins mesurable, il y a le rendez-vous avec l'aspect féminin de Dieu. Il apparaît souvent lorsque nous sommes confrontés à notre faiblesse, à notre dépendance et à notre incertitude. Aimer au-delà des limites.

Laurence Freeman o.s.b

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