Troisième semaine de l’Avent 2024

Réflexions de l'Avent 2024
Troisième semaine de l'Avent - du 15 au 21 décembre
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Luc 3, 10–18
« Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu »
En ce temps-là, les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : « Que devons-nous faire ? » Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! » Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. » Des soldats lui demandèrent à leur tour : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. »
Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » Par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.
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Au temps où Jésus est né, l'injustice des institutions provoquait autant de mécontentements et de problèmes qu’en toute autre époque. Rares et de courte durée sont les périodes d'optimisme et d'espoir sans limites. L'élection d'un Kennedy ou d'un Obama, la chute du Mur de Berlin, les jours grisants d'une révolution politique inspirée d’idéaux ou encore les lendemains d’après-guerre, les jours de mariage, tous ces recommencements sont une occasion de croire à l'impossible et d'oublier les espérances déçues vécues précédemment. Ce sont souvent les pauvres qui achètent des billets de loterie.
Les péchés d’ordre social – tels que ceux, intégrés dans nos systèmes financiers, qui font exploser les prix des maisons de luxe alors qu’un nombre croissant de gens, même dans les sociétés riches, peuvent à peine se procurer de quoi se loger et nourrir leur famille – sapent le moral et découragent. C’est poussés par cette sorte de désespoir que le peuple venait vers Jean pour lui demander simplement : « Que devons-nous faire? ».
Jean-Baptiste c’est l'Avent, il incarne l’attente active du Messie. En réponse à ses interlocuteurs, il dénonce les injustices et les péchés sociaux de son temps qui accablent la vie mais aussi l’âme de ceux qui viennent au désert pour l’entendre. Ceux-ci s'interrogeaient à son sujet, espérant qu'il serait le sauveur qui redresserait tous les torts et rétablirait l'ordre et la justice. De tout temps les malheureux sont à la recherche d'un messie.
Jean n'est pas un messie, pas même un révolutionnaire de la société. Il dit aux collecteurs d'impôts de ne pas exiger plus que leur dû et aux soldats de ne pas utiliser leur pouvoir sur les autres pour exploiter ou créer la peur. Aujourd’hui, à combien de sociétés aux prises avec la corruption politique, judiciaire et policière pourrait-il adresser les mêmes propos ? Ils représentent en fait le strict minimum de la justice. Et la justice ne peut pas être séparée de la dimension spirituelle, comme l'a compris St Oscar Romero. On ne peut pas non plus tracer une ligne rouge entre notre méditation et notre façon de vivre, de voter, de gérer nos biens ainsi que nos réactions aux problèmes d’actualité.
J’ai animé un jour une retraite aux Philippines pour des prêtres d’une région reculée et très pauvre du pays. Le séminaire où nous étions logés était aussi exigu que la plupart des maisons des habitants et des prêtres qui étaient à leur service. Je me souviens que le lavabo de ma chambre s’est détaché du mur quand je l'ai touché et j’étais désolé d’être la cause de frais supplémentaires. En discutant individuellement avec les prêtres, j'ai réalisé combien ils étaient les vrais serviteurs de leur peuple, soucieux des droits de tous et de leurs besoins matériels, défendant leur dignité autant qu’ils nourrissaient leur vie religieuse et spirituelle.
Lors d'une visite au Venezuela, j'ai rencontré un homme d'affaires jeune et intelligent. Il se rendait fréquemment aux États-Unis pour organiser la livraison à domicile d'articles de luxe à des clients qui en avaient les moyens. La plupart des Vénézuéliens, même à ce moment-là, avaient du mal à s’en sortir et vivaient l’humiliation d’assurer à peine leurs besoins élémentaires. J’étais surtout gêné par le refus catégorique du jeune homme de discuter de la situation sociale ou politique ; c’était du ressort de la sphère « publique » et lui avait assez à faire dans son monde « privé ». Comme j’insistais, il s’est justifié en disant que les politiciens « étaient tous les mêmes », une manière mal déguisée d’appliquer la loi de la jungle.
Quand finalement Jésus apparaît sur la scène du monde, il va être comme Jean, un prophète qui dénonce l'injustice, défendant les affamés de justice sans défense. C’est peut-être là ce qui a réellement provoqué sa fin plus que la teneur véritablement révolutionnaire de son message spirituel. Mais il sera plus qu'un prophète. Sa parole montrera à l'humanité un système social radicalement nouveau, ajusté en toutes choses à la présence de Dieu. Cet ajustement du monde intérieur et du monde extérieur qui harmonise politique et surnaturel, Jésus l’appelle le Royaume. Entendre cette vérité, l’écouter, attendre et prier, rester éveillé, c'est être « baptisé dans l’Esprit et le feu ». L’embrasement de nos vies en sera la preuve.
Laurence Freeman, o.s.b.
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