Une pratique universelle
Chaque tradition spirituelle offre à l’être humain une forme de méditation lui permettant ainsi de s’unir éternellement à la vie dans la présence de l’instant. Se détachant de son passé et de son futur par cette discipline de l’esprit qui est source de joie, le méditant peut prendre refuge dans la Réalité divine. Il s’immerge alors dans un néant riche de plénitude ou s’abandonne à la vastitude de l’amour. Mais avant de se sentir affranchi de toute attente — essence même de la méditation —, il cherche dans ce retrait intérieur à se libérer de l’inutile, à creuser un ciel pour la transcendance au cœur même du calme et de la clarté. Silencieusement, il respire avec ampleur son aspiration à cette vérité qui rend libre : « Fais naître cet amour véritable qui apaise toute souffrance ; établis cette paix immuable dans laquelle réside la vraie puissance ; donne-nous la connaissance qui dissipe toute obscurité [1]…» Ces quelques mots, extraits d’une prière méditative de Mère [2], traduisent la qualité d’ouverture d’une méditation.
En ce temps où la spiritualité s’oriente profondément vers l’être humain et non vers le Divin, la méditation connaît un nouvel engoue- ment sous une forme laïque. Des pratiques sont proposées dans les écoles, les hôpitaux et les prisons afin de réduire l’angoisse et le stress, particulièrement présents dans nos sociétés modernes. En effet, la méditation accompagne la traversée des hautes eaux émotionnelles d’où émergent peurs et monstres intérieurs, ouvrant ainsi à la connaissance de soi et à l’expérience de la sérénité. Mais au cœur de cette descente dans les profondeurs de l’être, le Divin peut préparer et attendre avec respect l’heure de l’éveil d’une âme sincère, assoupie dans son incrédulité. Qui cherche l’être humain s’expose à rencontrer la présence divine.
Méditation spirituelle ou laïque, méditation de pleine conscience et contemplation, toutes ces formes de recherche intérieure révèlent l’être dans sa grandeur. Et pourtant il lui faut être humble comme l’enfant qui naît « méditant ». Le Christ connaissait le pouvoir du mental et de l’orgueil qui éloigne de la voie de l’entendement et de l’intériorité. Dans sa prière, il osait dire : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25). Certes, une sagesse trop humaine est folie aux yeux de Dieu. Or il suffit de voir comment des enfants se laissent emmener dans l’apaisement et la puissance sacrée d’une méditation, ou comment un être empli de l’esprit d’enfance, mais non infantile, évolue dans l’immensité de l’amour et de la compassion. La bienveillance prend effectivement racine dans un cœur simple. Elle laisse éclore une vraie sagesse, incluant le pardon dans une réhabilitation de l’autre comme de soi-même.
La méditation est un art qui transforme l’esprit. Elle est un état de simplicité, de liberté et de bien-être acquis par un entraînement exigeant. Elle n’en demeure pas moins un processus complexe qui, dans sa limite ultime, appelle l’union intime avec le divin et invite aussi à une disponibilité généreuse pour autrui : « Celui qui a […] éveillé en lui la force de la véritable compassion sera tout à fait capable de mettre son corps, sa parole et son esprit au service des autres [3].» La méditation est donc un souffle de bénédiction pour la terre et au sein même du monde.
Si méditer éclaire le chemin de conscience de l’être humain, la méditation peut être comparée à la lumière d’un diamant dont l’éclat jaillit de ses multiples facettes.
(Aude Zeller, ‘‘Le besoin de méditer’’, dans La chair et le Souffle, no. 2, 2014)