Carême 2024 – Mercredi de la troisième semaine de Carême – 6 mars 2024
Réflexions quotidiennes du Carême 2024 :
Mercredi de la troisième semaine de Carême (6 mars 2024)
Psychologiquement, nous devons tous aspirer à une saine individualité. Un moyen important d’y parvenir est d’être proche de personnes saines, ce qui a pour effet de nous guérir et nous équilibrer, et nous amène à aider les autres à notre manière. Mais les personnes saines qui produisent cet effet sont rares, surtout dans une société aussi perturbée que la nôtre.
Avoir cette aspiration est un bon début et grandit avec la conscience que nous pouvons nous améliorer en contrôlant nos sentiments négatifs, en développant notre capacité à prêter attention aux autres, etc. Il est réconfortant de savoir que même si nous ne sommes pas des personnes très saines, cela ne signifie pas pour autant que nous sommes tous mauvais. Loin de là. Personne n'est parfait. Accepter nos défauts signifie refuser de nous laisser entraîner dans le rejet ou la haine de soi. Pour cela, nous avons besoin de ressentir que nous sommes aimés, acceptés et pardonnés inconditionnellement par ceux qui connaissent nos défauts ou même qui en ont souffert. La communauté et la famille – si elles contiennent des personnes assez saines – fournissent l’amour qui nous permet d’être aussi aimants que possible au stade de plénitude que nous avons atteint. Jésus proclamait qu'il n'est pas venu pour condamner mais pour guérir, c’est pourquoi une véritable Eglise n'exclut pas les pécheurs mais les accueille.
Que signifie une personnalité saine ? La meilleure définition est une personne qui respire la santé.
Chaque personne vit un conflit intérieur entre deux aspects de son individualité qui s'efforcent, tout au long de sa vie, de s'intégrer : comme une double image qui tente de ne faire qu'une. Un aspect de notre individualité interprète tout de l’extérieur, avec nous-même comme centre illusoire de tout. Si nous restons coincés dans cette situation, nous recherchons à tout prix le pouvoir et le contrôle sur les autres et devenons cruels (envers les autres ou envers nous-même) et dissociés de la réalité. Une grande quantité d’énergie, peut-être indisponible en ce temps et cet espace, est nécessaire pour nous sortir de cette orbite extrême. La majorité, même l’individu le moins tragiquement divisé et isolé, reste malheureuse et crée du malheur. Cependant, nous restons ouverts à la grâce toujours présente de la guérison. La plupart d’entre nous, même en progressant, oscillent entre les deux états.
Une personne qui n’est pas saine a toujours besoin des autres mais les traite comme des objets destinés à ses propres fins. Elle trouve que l’influence curative de la communauté est un traitement difficile à accepter. Une relation honnête et ouverte est difficile, sauf au niveau d’une profonde unité spirituelle comme celle que crée l’adoration ou la contemplation ensemble. En général, il semble plus facile de se détendre et de s'évader avec d'autres au sein d'une foule, en trouvant une unité éphémère dans certaines expériences partagées (fête ou sport). La communauté dissout la division tandis que les foules permettent à chaque moi divisé de cacher et protéger des autres son être unique et vulnérable.
La guérison est progressive et la voie est étroite. C'est la signification cachée et constante de toute vie. Dans la pratique contemplative, nous équilibrons, harmonisons et unissons le moi divisé en mourant à l’illusion de la division et en détournant complètement notre attention de nous-même. Même si nous redoutons cela et y résistons, lorsque cela se produit, nous nous développons dans la véritable liberté et la vraie joie d’être. Nous constatons même que nous fonctionnons mieux au quotidien.
Le royaume est proche. Tout comme l’Ami : la personne saine qui nous communique son unité lorsque nous nous sentons le plus isolé.
Laurence Freeman, o.s.b.