Le pape François propose le silence comme un moyen de se mettre sur le chemin de la sainteté
Après nous avoir partagé sa Joie de l'Évangile, puis son impact sur l'environnement avec Laudato si', le pape François nous parlait de la Joie de l'amour, qui est la manifestation de la personnalité à la fois abondante d'amour et solide sur la doctrine de ce pape admiré par des gens de partout, et pas seulement des milieux catholique ou chrétiens. Le 9 avril dernier, il s'adressait de nouveau aux chrétiens avec une quatrième exhortation apostolique, nommée à partir des premiers mots de la version officielle en latin: Gaudete et exsultate (Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, cf Mt 5,12), et dans laquelle il y va de ses conseils et de ses observations à l'intention de "la classe moyenne de la sainteté". En effet, pour François, il n'est pas nécessaire de réaliser de grandes choses, telles que des miracles, des guérisons, de multiples conversions ou encore de subir le martyre, pour devenir saint, mais simplement de tenir bon dans la foi en Dieu qui nous sauve par la vie, la mort et la résurrection de son Fils et l'envoi de l'Esprit Saint.
Loin d'être un exposé théorique sur la sainteté, cet ouvrage d'une cinquantaine de pages fait l'éloge des gens "ordinaires" qui font "leur possible" pour vivre leur vie en y mettant Dieu au centre. Après avoir dénoncé deux ennemis subtils de la sainteté, soient la tendance à considérer que la "vraie connaissance de Dieu" serait réservée à une élite de clercs ou de théologiens, et celle de l'empowerment à outrance qui nierait la souveraineté de Dieu sur sa création et qui remettrait les succès et les échecs de nos vies uniquement sur les épaules individuelles de chacun, le pape Bergoglio nous suggère les béatitudes enseignées par le Maître dans son sermon sur la montagne (cf. Mt 5 ; Lc 6) comme un guide sûr pour reconnaître la sainteté et discerner nos opportunités d'amélioration personnelles.
Puisque notre monde exacerbe nos sens par sa vitesse et l'offre abondante de divertissements plus ou moins futiles, il nous faut rechercher les moments de quiétude, de solitude et de silence pour y trouver la motivation à vivre à fond "les devoirs personnels". Succomber à la tentation "d'absolutiser le temps libre au cours duquel nous pouvons utiliser sans limites ces dispositifs [électroniques] qui nous offrent du divertissement ou des plaisirs éphémères" nous conduit presque inévitablement à diminuer notre engagement social, voire à oublier de prendre soin des gens qui nous entourent. Le remède à ce mal qui nous guette demeure la prière silencieuse, comme nous l'enseignait saint Jean-Paul II: " nous avons tous besoin de ce silence chargé de présence adorée1 ".
La prière silencieuse, chemin de sainteté
La prière confiante est une réaction du cœur qui s’ouvre à Dieu face à face, où on fait taire tous les bruits pour écouter la voix suave du Seigneur qui résonne dans le silence. (...) Pour tout disciple, il est indispensable d’être avec le Maître, de l’écouter, d’apprendre de lui, d’apprendre toujours. Si nous n’écoutons pas, toutes nos paroles ne seront que du bruit qui ne sert à rien. (no. 150). J’ose donc te demander : Y a-t-il des moments où tu te mets en sa présence en silence, où tu restes avec lui sans hâte, et tu te laisses regarder par lui ? Est-ce que tu laisses son feu embraser ton cœur ? Si tu ne lui permets pas d’alimenter la chaleur de son amour et de sa tendresse, tu n’auras pas de feu, et ainsi comment pourras-tu enflammer le cœur des autres par ton témoignage et par tes paroles ? (no. 151)Pour le pontife argentin, la prière silencieuse n'est pas une évasion qui nous ferait nier le monde qui nous entoure. Au contraire, elle est un moyen de s'imprégner pleinement et consciemment de la présence de Dieu qui habite sa Création et qui marque l'histoire, du monde certainement, mais surtout la nôtre. La sainteté à laquelle il nous appelle se construit chaque jour par le discernement, dont il développe les tenants et aboutissants. On ne se surprendra pas que ce discernement est fait de silence et de contemplation de l'amour que Dieu nous démontre en communiant avec nous et nos frères et sœurs.
« Lorsqu’il m’arrivait de rencontrer des gens, ils me semblaient aussi aimables que s’ils avaient été de ma famille [...] Ce bonheur n’illuminait pas seulement l’intérieur de mon âme ; le monde extérieur aussi m’apparaissait sous un aspect ravissant »2.
Faire silence pour agir de manière éloquente
Même si le Seigneur nous parle de manières variées, dans notre travail, à travers les autres et à tout moment, il n’est pas possible de se passer du silence de la prière attentive pour mieux percevoir ce langage, pour interpréter la signification réelle des inspirations que nous croyons recevoir, pour apaiser les angoisses et recomposer l’ensemble de l’existence personnelle à la lumière de Dieu. Nous pouvons ainsi laisser naître cette nouvelle synthèse qui jaillit de la vie illuminée par l’Esprit. (no. 171)Cependant, le pape nous met en garde contre un renfermement sur soi dans lequel on ne chercherait qu'à favoriser les moments de silence. Il s'agit de trouver un équilibre :
"Il n’est pas sain d’aimer le silence et de fuir la rencontre avec l’autre, de souhaiter le repos et d’éviter l’activité, de chercher la prière et de mépriser le service. Tout peut être accepté et être intégré comme faisant partie de l’existence personnelle dans ce monde, et être incorporé au cheminement de sanctification. Nous sommes appelés à vivre la contemplation également au sein de l’action, et nous nous sanctifions dans l’exercice responsable et généreux de notre propre mission." (no. 26).