Méditation chrétienne du Québec et
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Carême 2024 – Samedi après les cendres – 17 février 2024

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Réflexions quotidiennes du Carême 2024 :

Samedi après les Cendres (17 février 2024)

 

L’un des grands poètes anglais et l’un de mes préférés est le brillant, visionnaire et humainement très imparfait Samuel Taylor Coleridge. Ses critiques acerbes disent qu’il a « gaspillé son génie ». Pourtant, il reste lumineusement aimé et admiré pour ses dons. Il souffrait d'une dépendance au laudanum, une forme d'opium, mal comprise à l'époque. Il souffrit toute sa vie des séquelles d'une maladie infantile et était peut-être bipolaire avant qu’on ne connaisse cette maladie. Il possédait une force de séduction remarquable, alliant un sentiment humain profond et chaleureux, un grand esprit et un génie littéraire. Ses amis lui furent fidèles et attachés tout au long de ses moments de gloire comme de ses périodes d’effondrement. L'un d'eux, le critique Charles Lamb, déclara que « quand il ne va pas à l'essentiel, il est très mauvais : mais il remonte merveilleusement un autre jour et son visage retrouve sa gloire lorsqu'il récite ses vers - un archange un peu abîmé ». Lamb condamnait les personnes qui le qualifiaient de « pauvre Coleridge ». C'était un grand archange, même s'il était abîmé.

Coleridge écrivit certains des poèmes les plus mémorables et les plus beaux de cette langue : le psychédélique Kubla Khan, The Ancient Mariner [L’Ancien marin] et l'inoubliable Frost at Midnight [Gel à minuit], à son fils nouveau-né endormi. Il fut également l'un des plus grands critiques de la littérature anglaise, bien que, comme dans d'autres aspects de sa vie malheureuse, il fut incapable de se conformer aux normes du succès et de la respectabilité de son époque. Il est à l’origine de l’idée littéraire de la « suspension volontaire de l’incrédulité » qui nous permet d’entrer dans les grands univers de la fiction tout en « sachant » qu’ils sont irréels. Une autre grande idée – et la raison pour laquelle je décris ainsi Coleridge pour une lecture de Carême – est née à la fois de sa compréhension du fonctionnement de la littérature et de l’esprit, mais aussi de sa foi chrétienne profonde et mystique. Il qualifia d’émerveillement la « suspension de notre capacité à comparer ».

Cela nous donne un aperçu direct de la simplicité. C’est la capacité d’accorder toute notre attention et de ne faire qu’un avec ce à quoi nous prêtons attention. L’attention n’exclut rien mais se donne entièrement, à ce moment-là, à ce que nous aimons, car l’attention pure transforme l’objectification en amour. Habituellement, lorsque notre attention est attirée par quelque chose de beau ou d'extraordinaire, nous avons un moment d'émerveillement, puis nous commençons rapidement à comparer et à contraster. Ce beau visage, cette vue ou ce poème sont-ils supérieurs ou moindres que les précédents qui ont retenu mon attention ? Sur les sites de rencontres d’Internet, on me dit qu'on clique d'un profil à l'autre en les comparant avec une vitesse croissante et la faim des solitaires. La contemplation, c’est regarder, contempler, accorder une attention constante et sans partage sans la mesurer par rapport à des attractions antérieures ou éventuellement à venir. Cela ouvre en nous la tendresse sans limites d’aimer éternellement l’unicité que nous rencontrons.

C'est cette tendresse que je chéris et qui m'émerveille chez Coleridge, ainsi que son génie et ses ailes d'archange abîmé. Son père l'emmenait dehors la nuit pour observer les étoiles et les galaxies. Plus tard, Coleridge nota : « Je l'écoutais avec un plaisir intense et une profonde admiration ; mais sans le moindre mélange d’émerveillement ou d’incrédulité ». Cependant, cela ne contredit pas ce que nous disons sur l’émerveillement. Il dit que l’émerveillement est plus qu’une agréable surprise passagère. C'est un état. Il explique qu'avant de regarder les étoiles, il avait déjà développé un état d'émerveillement continu et profond qui ne dépend pas des impressions sensorielles ou de la nouveauté. « Mon esprit avait été habitué au Vaste… et je n’ai jamais considéré mes sens comme le critère de ma croyance. »

En d’autres termes, nous n’avons pas à chercher des raisons de nous émerveiller. Tout est transparent et lumineux. Nous devrions commencer à développer cet état d’esprit en nous disant que si nous ne voyons pas tout le temps la merveille des choses, c’est parce que nous ne sommes pas encore « habitués » au vaste.

Laurence Freeman, o.s.b.

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