Je crois que si les choses sont aussi difficiles pour nous, hommes et femmes du xxe siècle, c’est parce que nous vivons dans une société tellement matérialiste, qui voit tout sous l’angle de la possession et du pouvoir ; et même s’il nous arrive d’être plus spirituels en apparence, nous pouvons aisément devenir des matérialistes spirituels. Au lieu d’amasser de l’argent, nous tentons d’accumuler grâces ou mérites. Mais cette voie de prière est la voie de la dépossession et de l’abandon, et c’est dur pour nous car on nous a appris à réussir, on nous a appris l’importance de gagner, non de perdre. Or, Jésus nous dit que si nous voulons trouver la vie, nous devons la perdre. Et dire notre mot de prière est précisément notre réponse à ce commandement de Jésus d’être à son entière disposition, de lui accorder notre attention sans réserve, de Lui donner notre cœur sans partage, d’être dans l’état d’une conscience unifiée, ce qui est une autre façon de dire qu’on est un avec Lui.
Saint Paul est un de ces maîtres pleins de sagesse de la tradition contemplative. Dans sa lettre aux Galates, il insiste sur le fait que notre vocation de chrétiens consiste à vivre pleinement la « glorieuse liberté des enfants de Dieu (Rm 8, 21) ». Comment réalisons-nous cette liberté, demande-t-il, comment l’atteindre et la vivre ? Sa réponse est « la foi opérant par la charité (Ga 5, 6) ». Et la voie vers cette foi active en amour est l’« union au Christ Jésus ». C’est le but de la méditation. Jésus demeure en nos cœurs dans une parfaite simplicité. Méditer, c’est simplement permettre à Sa présence de devenir la réalité suprême de notre conscience ; pour cela, il faut apprendre à être silencieux, à être immobile et à être attentif à cette présence dans nos cœurs. Et la voie vers cette attention consiste à réciter notre mot de prière. Le réciter du début à la fin de notre méditation, sans interruption.
Le Chant du silence