Notre guide Jean Cassien, le grand maître de prière du ive siècle, avait déjà noté ce danger en faisant allusion à ce qu’il appelait la pax perniciosa, la paix pernicieuse. Par cette expression imagée, il voulait nous mettre en garde contre la tentation de nous dire : « C’est bon, j’y suis arrivé. » Perniciosa signifie ce que ça dit, c’est-à-dire destructeur, fatal. Je suis quant à moi convaincu que beaucoup ne font pas les progrès qu’ils devraient dans la prière, qu’ils n’acquièrent pas la liberté à laquelle elle les appelle, simplement parce qu’ils choisissent cette dangereuse léthargie. Ils abandonnent trop tôt leur difficile pèlerinage vers le sommet de la montagne ; ils abandonnent l’incessante répétition du mot de prière.
Quand nous commençons à méditer, il faut répéter le mot pendant les vingt ou trente minutes que dure notre méditation, quelle que soit l’humeur du moment ou la réaction que nous semblons avoir. En le répétant de plus en plus fidèlement, nous arrivons ensuite à le faire résonner pendant tout le temps de notre méditation, quels que soient les sentiments ou les distractions qui peuvent surgir. Puis, quand le mot est enraciné dans notre cœur, nous devons l’écouter sans cesse, en lui accordant toute notre attention.
Un mot dans le silence, un mot pour méditer