Je crois que l’on peut affirmer sans se tromper que nous commençons tous à méditer en étant égoïstes ; et la première crise que nous traversons survient lorsque nous éprouvons dans la méditation elle-même la stérilité, la sécheresse, le néant de notre égoïsme. Au début, tout le monde, je pense, en vient à se demander : « Que vais-je en retirer ? Quel bien cela me fait-il ? » ou bien « Est-ce comme tout le reste ? Vais-je me retrouver, encore une fois, avec rien d’autre que de la stérilité ? » La tentation, bien sûr, est d’abandonner, de fuir cette nouvelle stérilité, encore plus profonde peut-être. C’est à ce moment-là que nous devons faire un acte de foi. En apparence, c’est la foi d’entrer dans l’obscurité et d’accepter la stérilité, mais il n’y a pas moyen de l’accepter sans s’abandonner totalement. Cela doit être un acte de foi total. Autrement dit, nous nous engageons à méditer, et à réciter le mot de prière, comme une façon de nous engager, de lâcher la conscience de soi. En réalité, nous nous engageons à lâcher notre stérilité.
La méditation est croissance et dépassement. De même que la plante qui est enracinée et que nous cultivons est dans un état permanent de dépassement de soi, abandonne son état précédent pour devenir ce qu’elle est maintenant, nous sommes dans un état comparable sur ce chemin de croissance spirituelle. La semence est la pousse, la pousse la tige, la tige le fruit, etc. Méditer est juste ce mouvement fluide de dépassement de soi qui se déploie comme une réalité unique – la personne que nous sommes – dans le présent éternel de Dieu.
Dans la méditation, nous sommes simplement ouverts à l’amour qui réside dans cet instant présent, aussi totalement que possible. Si nous pouvons y être fidèles, en y revenant tous les matins et tous les soirs, notre capacité d’aimer ne cessera de grandir chaque jour, la qualité de notre amour ne cessera de s’approfondir et sa portée de s’étendre. Saint Paul y voyait le fruit de la foi dans le processus qu’est une vie chrétienne :
La construction du Corps du Christ au terme de laquelle nous devons parvenir, tous ensemble, à ne faire plus qu’un dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu, et à constituer cet Homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ(Ep 4, 12-13).
Le Chant du silence