Réflexions quotidiennes du Carême 2024 :

Mercredi de la quatrième semaine de Carême (13 mars 2024)

Tout au long de son enseignement, Jésus dit spécifiquement à ses auditeurs d’abandonner leur état d’inquiétude habituel. Il les exhorte ainsi : « apaisez vos cœurs troublés et abandonnez vos peurs. » Dans la même veine, saint Paul dit à ses jeunes communautés chrétiennes que le guide et la boussole de toute leur vie, de leurs sentiments et leur action doivent être la paix de Dieu qui est « au-delà de la compréhension », plutôt que de vivre dans des tensions et un découragement incessants. Nous ne devrions pas vivre opprimés par une peur et un stress inutiles, par l’angoisse, la terreur ou la panique.

Vivant à une époque où l’inquiétude atteint des sommets liés aux maladies physiques et mentales chroniques, à la dépression, à l'obsession et à l'incapacité de se concentrer, à l'insomnie et aux problèmes digestifs, nous pourrions écouter Jésus, le remercier pour ses belles paroles et penser « eh bien, c'est facile à dire pour toi. »

En fait, il ne donne pas de conseils mais un enseignement faisant autorité et un défi pour faire un parcours qui semblera long et difficile. Il indique comment y parvenir : en acceptant le don de la paix qu'il promet de laisser derrière lui après son départ. Une paix « telle que le monde ne peut pas la donner », qui n’est pas la réduction éphémère du stress créé par la distraction et la surconsommation, mais sa propre paix. Comment peut-on donner à quelqu’un d’autre une paix qui soit plus qu’un bras réconfortant autour de l’épaule ? Jésus semble parler d’une transmission directe et ciblée, face à face, cœur à cœur, d’une énergie renouvelable sans limite.

Pour recevoir cette transmission, nous n'avons rien d'autre à faire que de nous y ouvrir et de lui faire confiance avant qu'elle n'advienne. Parfois, cependant, la peur nous enferme dans un pessimisme paralysé et autodestructeur auquel nous ne pouvons échapper. Nous finissons par avoir envie de consolation plutôt que de désirer une transformation. Il n’est pas étonnant que l’injonction de transcender l’emprise de la peur soit la première étape du parcours spirituel dans toutes les traditions. La « crainte de Dieu », telle qu’elle est traduite dans la Bible, ne signifie pas la peur dans le sens d’attendre une punition. La crainte de Dieu – une crainte qui est émerveillement et paix – est le remède à la peur qui nous empêche d’entreprendre notre parcours humain.

Le poète soufi Attar a écrit une allégorie de ce parcours vers Dieu appelée la « Conférence des oiseaux ». Toutes sortes d'oiseaux se réunissent et décident de partir à travers les sept vallées à la recherche du roi, appelé le Simurgh. Le mot « simurgh » signifie littéralement « trente oiseaux ». À mesure que l’heure du départ approche, la plupart trouvent des excuses pour ne pas y aller. Parmi ceux qui étaient partis, beaucoup rebroussèrent chemin. Au final, seuls trente oiseaux dépenaillés arrivent au palais du roi après avoir passé la majeure partie de leur vie en voyage. Ils sont accueillis par un serviteur qui leur dit qu'ils ne sont pas dignes d'entrer. Mais comme ils insistent, il leur dit que, même s'ils entraient, la gloire du roi les réduirait à néant. Ils répondent qu'un papillon désire ne faire qu'un avec la flamme qui l'attire. Les trente oiseaux entrent en présence du Simurgh et en le voyant ils réalisent qu'il est eux-mêmes :

Ils voient le Simurgh – ils se regardent entre eux

Et voient un deuxième Simurgh debout là

Ils regardent les deux et voient que ces deux ne font qu’un.

La paix au-delà de la compréhension et la fin de la peur est la disparition de la dualité.

Laurence Freeman, o.s.b.