Carême 2023 – Samedi de la 1re semaine de Carême – 4 mars 2023
Réflexions quotidiennes du Carême 2023 :
Samedi de la 1re semaine de Carême (4 mars 2023)
Lorsque saint Benoît écrivit sa Règle pour les monastères, peu de gens dans sa société étaient alphabétisés. Pourtant, il insista pour que les membres de sa communauté lisent quotidiennement et, en particulier, pour qu'ils aient ce livre à lire avec une attention particulière pendant le Carême. À cette époque, la lecture était plus lente et plus communautaire. Les personnes qui lisaient le faisaient à voix haute, en murmurant les mots à voix basse dans un souffle, car cela facilitait la séparation des mots sur la page. S’ils étaient plusieurs à lire ensemble, cela devait ressembler à une ruche animée. J'en ai fait une fois l'expérience dans la longue salle de lecture bondée de juifs orthodoxes qui étudiaient la Bible à côté du Mur des Lamentations, dans l'enceinte du Temple de Jérusalem. Ils étaient tellement concentrés qu'ils n'ont pas remarqué l'intrus parmi eux.
La lecture est un mode d’apprentissage bien différent d’une vidéo sur YouTube. L'alphabétisation est une compétence acquise, comme la prière mi-active, mi-passive. Le sentiment d’une rencontre intime avec la conscience intérieure des écrivains est plus fort. Peu importe ce qu'ils portaient lorsqu'ils mettaient par écrit le processus de leurs pensées internes, leur apparence ou leur accent. En lisant, nous rencontrons un autre esprit - peut-être mort depuis longtemps mais toujours vivant dans les mots - qui nous fait sortir de nous-même dans un acte d'attention centrée sur l'autre. Nous pouvons réagir ou ne pas réagir en savourant et en réfléchissant à leurs mots et à leur style, mais nous devons d'abord écouter ce qu'ils disent plutôt que ce que nous pensons. Une bonne lecture est donc un pas vers la prière pure.
Je me prépare à une série de sessions en ligne dans le courant de l'année sur la façon de lire les textes sacrés. Il s'agit d'une forme particulière de lecture qui peut porter de grands fruits spirituels. Nous devons lire les Écritures en étant conscients que le sens n'est pas seulement dans les mots, mais aussi dans les "espaces blancs entre les mots" et dans la façon dont notre cœur-esprit y répond. Une personne qui a une pratique contemplative sérieuse peut avoir l'avantage de sentir comment les mots expriment sa propre expérience inexprimable du silence dans sa méditation. Au Ve siècle, Cassien, l'un des grands maîtres de Benoît, qu'il a rencontré par le biais de l'écriture, déclara que le méditant "pénétrera le sens" de l'Écriture non seulement par le texte écrit, mais aussi parce que "l'expérience ouvre la voie". Le lecteur contemplatif devient comme l'auteur de ce qu'il lit, en saisissant le sens directement et intuitivement.
L'"Écriture sacrée" peut être un stimulus pour la métanoïa. Elle a un effet transformateur sur un esprit déjà entraîné par une pratique contemplative, comme le mantra. Le pouvoir spirituel des mots se libère et les empêche de devenir les objets d’un culte fondamentaliste qui peuvent être mal interprétés et endurcir des esprits déjà figés et peu disposés à changer.
Les Écritures et d'autres pratiques ont été comparées à un radeau qui nous emmène sur l'autre rive. Dans un célèbre sutra, le Bouddha dit : " Moines, j'ai enseigné le Dharma comme un radeau, dans le but de traverser et non de s'accrocher ". Quelqu'un m'a dit hier qu'il considérait l'écriture comme un manuel, utile pour montrer comment, comment être ou comment faire, mais ce n’est pas la vie, pas l'être ou le faire. C’est le doigt qui indique la lune ; ce n’est pas la lune.
Laurence Freeman OSB