Carême 2023 – Mercredi de la 3e semaine de Carême – 15 mars 2023
Réflexions quotidiennes du Carême 2023 :
Mercredi de la 3e semaine de Carême (15 mars 2023)
La statue de Marie, isolée dans la nature irlandaise, échappa aux vandales et aux iconoclastes. Cependant, au IXe siècle, la controverse des iconoclastes dans le christianisme oriental entraîna la destruction massive de nombreuses œuvres d'art sacré. Difficile à croire aujourd'hui, alors que de nombreuses églises orthodoxes sont remplies d'icônes.
Dans les religions, surtout lorsqu'elles sont influencées par la politique, demeure un conflit non résolu sur la valeur des images. L'islam et le judaïsme les rejettent totalement. Il y a vingt ans, les talibans choquèrent le monde en faisant exploser les statues du Bouddha de Bamiyan, datant du VIe siècle, qui surplombaient l'ancienne route de la soie. Dans l'Angleterre du XVIIe siècle, les puritains de la Réforme profanèrent une grande partie de l'art médiéval dans les anciennes cathédrales, heureusement avec la modération caractéristique de l'Angleterre. Le gouvernement chinois fit de même, de manière plus systématique, pour les objets d’arts pendant la révolution culturelle et, plus récemment, il dirigea sa haine iconoclaste contre les lieux de culte tibétains. Le tourisme actuel peut être la meilleure défense de ces œuvres sacrées – ou idolâtres, selon les points de vue. Le site ravagé de Bamiyan est aujourd'hui une attraction touristique.
Saint Grégoire de Nysse fut à l'origine de ce phénomène en affirmant que toute image de Dieu est une idole, à commencer par la pensée sur Dieu. Une profonde sagesse chrétienne nous dit que si l'image intérieure ou extérieure nous détourne du Dieu vivant et de notre véritable nature en tant qu'image de Dieu, alors elle est devenue une idole. Il n'est pas nécessaire de briser les belles œuvres de l'imagination sacrée de l'homme, mais nous devons dissoudre nos attachements intérieurs aux images mentales et émotionnelles. Le mantra plutôt que le marteau.
L'épisode du veau d'or dans le récit de l'Exode, alors que les Israélites avaient marché quarante ans dans le désert, éclaire la cause et le remède de l'idolâtrie. Lorsque Moïse ne revenait pas de son entretien avec Dieu sur la montagne, le peuple s'agita et dit : "Venez, faisons-nous un dieu à notre image". Ils donnèrent de l'or, façonnèrent le veau et s'en donnèrent à cœur joie. Ce qui est intéressant, c'est de voir à quel point ils étaient conscients et calculateurs. Ils savaient que ce dieu était leur propre création, tout comme les gens qui vénèrent l'argent aujourd'hui savent qu'ils le fabriquent. Il n'y a là aucun mystère, si ce n'est le phénomène de "l'hébétude délibérée", mon expression favorite pour désigner l'abrutissement. Rien de sacré, de transcendant, de profond. Juste une technique pour éviter ce que l'on ne veut pas regarder en face. Pour les Israélites, c'était leur incapacité à affronter le vide de l'attente, l'expérience du désert. L'horreur du vide devient bientôt l'horreur d'un dieu créé qui manque de divinité et qui est donc un démon. Et nous savons ce que sont les démons : gourmandise, luxure, avarice, tristesse, colère, acédie, vaine gloire et orgueil, pour n'en citer que quelques-uns.
Jusqu'ici, la cause ; ensuite, le remède à l'idolâtrie. Moïse revient avec les tables de pierre de la loi, écrites de la main de Dieu (une œuvre d'art d'une grande valeur) et, de rage, les brise. L'iconoclasme ultime. Même la loi de Dieu peut être une idole. Puis il détruit le veau d’or, le met en poudre, ajoute de l’eau et fait boire cela au peuple. Cela devait avoir un goût horrible mais le poison fut le remède.
Laurence Freeman, o.s.b.