Carême 2023 – Mercredi de la 2e semaine de Carême – 8 mars 2023
Réflexions quotidiennes du Carême 2023 :
Mercredi de la 2e semaine de Carême (8 mars 2023)
La vie humaine n'est pas une corvée. Pas plus que l'activité sans fin de l'univers, là-haut et très loin, dont nous entendons tant parler. Pas davantage la vie des microcosmes invisibles qui vivent à l'intérieur de nous. Pourtant, il arrive que nous ayons un sentiment de corvée qui nie ce dont nous avons besoin : nourriture et logement, justice, amitié ou un bon travail. Lorsque nous pensons que l'existence est une corvée insignifiante, comme c'est le cas pour beaucoup aujourd'hui, un changement de perception et l'ouverture du cœur peuvent rendre la corvée "divine". Il suffit de regarder à travers la vitre que nous voyons avec étroitesse d'esprit. Peut-être attendons-nous qu'un message apparaisse sur la vitre comme s'il s'agissait d'un écran. Regarder compulsivement notre téléphone, c’est comme regarder le verre plutôt que voir à travers.
Il ne s’agit pas de regarder Jésus en lui demandant : "Que ferais-tu là, que dirais-tu, pour qui voterais-tu ?" Ce sont des questions que nous pourrions poser en regardant quelqu'un en visio sur un écran. Dans chaque chapitre de son histoire, ses quarante jours au désert, son illumination sur la montagne, sa passion, sa mort et sa résurrection, nous regardons à travers lui afin de le voir tel qu'il est réellement aujourd'hui. Nous comprenons alors que nous sommes en union indescriptible avec lui, en route en lui, avec lui, à travers lui.
Le malaise de l'absence de sens dans cette période consumériste et technoscientifique de l'histoire humaine est démoralisant. Les croyances et les valeurs partagées, la foi ou les peurs qui nous maintenaient alignés sur une certaine forme de moralité et freinaient la folie de certains dirigeants se sont désintégrées. Qu'est-ce qui nous unit en tant qu'humanité, qui nous fait avoir honte d'envahir un autre pays et de laver le cerveau de son propre peuple en lui faisant croire que la victime est l'agresseur ? Quel sens un adolescent peut-il donner aux nouvelles du monde ? Où sont passées les valeurs éthiques du monde des affaires et de la politique ? Pourquoi les pires candidats sont-ils si souvent élus ? Comment peut-on prétendre à l'approbation divine et refuser l'éducation et l'égalité aux filles et aux femmes ? Le vide moral de notre époque convainc beaucoup de gens que la vie n'est pas seulement injuste, mais qu'elle est essentiellement dépourvue de sens.
Pourtant, nous cherchons du sens, même dans les déserts. Cependant, le simple fait de chercher peut être un piège qui aggrave la désertification. La recherche de sens, comme la recherche du bonheur, nous fait croire que nous devons faire quelque chose pour trouver la réponse ou la théorie qui apporte du sens. Nous ne pouvons pas atteindre activement ce sens, mais seulement créer les conditions pour qu'il apparaisse.
Disons que le sens est un lien. Réfléchissons-y en nous rappelant à quel point nous devenons insignifiants et malheureux lorsque nous nous sentons déconnectés. Le fait de chercher activement du sens, de devenir un fouineur qui n'arrête pas d'essayer, ne fait qu'accroître notre déconnexion.
Bien sûr, la recherche active fait partie d'une vie responsable. Mais la partie la plus profonde de la recherche de sens est l'abandon à notre impuissance à le trouver. Dans la libération qui s'ensuit, une connexion à des niveaux plus profonds se révèle. Un autre type de pouvoir nous envahit alors, celui de la non-action (à ne pas confondre avec l'inaction). C'est le grand pari de notre connexion à la réalité, dans la méditation, celui de mettre tout ce que nous possédons dans le non-agir.
Lorsque les Égyptiens poursuivent les Israélites après qu'ils ont quitté l'esclavage et sont arrivés jusqu'à la mer Rouge, le peuple élu regrette son choix de la liberté. Ils demandent à Moïse de les ramener en arrière. Au moins, ils auraient des poireaux, des oignons et la wifi. Dans ce moment critique, leur chef leur dit : "Le Seigneur combattra à votre place. Vous n'avez qu'à vous tenir tranquilles".
Laurence Freeman OSB