Carême 2023 – Mardi de la semaine sainte – 4 avril 2023

Réflexions quotidiennes du Carême 2023 :
Mardi de la semaine sainte (4 avril 2023)
Ce que tu fais, fais-le vite
Jn 13,21-38
Quelle est la véritable motivation de nos actions ? Lorsque nous nous penchons sur cette question, peut-être avec le recul des années, nous pouvons nous regarder avec une grande objectivité, mais aussi avec une réelle bienveillance. En faisant preuve d'indulgence, nous pouvons penser : "J'étais jeune" ou "Je ne savais pas ce que je sais aujourd'hui". Pour des décisions plus récentes, sans la perspective du temps, nous pouvons être moins bienveillants envers nous-mêmes ou, si la question concerne les erreurs de quelqu'un d'autre, nous pouvons être des juges très durs.
Notre incertitude sur notre passé et sur les motivations des autres révèle que les personnes sont en constante construction. Qui suis-je ? Il est impossible de répondre à cette question. Pourtant, il s'agit d'une interrogation essentielle. Elle nous accompagne tout au long de notre vie consciente, depuis les premiers frémissements de la conscience de soi dans l'enfance jusqu'à la dernière lueur de pensée avant la mort. Peut-être s'agit-il simplement d'une expression d'émerveillement face à la façon dont nous avons changé, tout en restant inachevés et en demeurant en quelque sorte la même personne. Certains commentateurs pensent que Jésus n'était pas pleinement conscient de son identité et de la composition unique de son humanité, jusqu'à ce qu'il rende l'esprit sur la croix, juste après avoir demandé "pourquoi m'as-tu abandonné" ou dit "tout est accompli". La véritable connaissance de soi se développe progressivement avec le temps et l'expérience. Au fur et à mesure, la question de savoir qui je suis s'atténue et nous comprenons que nous ne nous contentons pas d'exister : nous demeurons.
Jésus manifeste un degré très élevé de cette compréhension de soi tout au long des évangiles. Cela accompagne l'extraordinaire compassion et la perspicacité à l'égard des autres que nous voyons dans l'évangile d'aujourd'hui concernant Judas, qui est l'une des principales clés du mystère de Pâques. Lors du dernier repas, Jésus est profondément troublé et révèle que l'un de ses proches disciples va le trahir. Ses amis se demandent ce qu'il veut dire et nous avons un aperçu de leur humanité. (Comme hier où nous avons appris qu'ils avaient une caisse commune et qu'ils faisaient probablement des collectes de fonds).
Pierre demande à Jean, le disciple bien-aimé allongé contre Jésus, de lui demander qui est le coupable. Répondant à son ami comme il ne le ferait pas à quelqu'un d'autre, il dit qu'il donnera un morceau de pain au traître. Il le trempe dans le plat et le tend à Judas. Il se donne à son traître en pleine connaissance de la trahison de Judas. Il pardonne avant même que le péché ne soit commis. A cet instant, lorsque Judas prit le pain, "Satan entra en lui". Jésus lui dit : "Ce que tu fais, fais-le vite". Sa communion avec son traître est au-delà du jugement et du ressentiment.
Judas quitte la table. La question de la motivation est non seulement impossible à résoudre, mais elle n'est pas pertinente. La vraie question qui se pose maintenant, alors que les dimensions de la réalité dans lesquelles cet échange a eu lieu ont dépassé la rationalité, est de savoir quel est le but de ce qui se passe. Comme la compassion, le péché lui-même et l'obscurcissement de l'esprit humain par le mal, tous trouvent du sens dans une unité plus grande que la division qu'ils provoquent. Ce qui est opposé dans la dimension rationnelle est unifié dans la dimension divine. Cette unité "brille sur les bons et les mauvais et est bienveillante envers les ingrats et les méchants". Ou, comme le dira plus tard Mère Julienne,
"Le péché est nécessaire. Mais tout sera bien, et toutes les sortes de choses seront bien"
Laurence Freeman, o.s.b.