Carême 2023 – Lundi de la 2e semaine de Carême – 6 mars 2023

Réflexions quotidiennes du Carême 2023 :
Lundi de la 2e semaine de Carême (6 mars 2023)
Les choses les plus simples de la vie sont les plus difficiles - les plus difficiles à décrire, à comprendre, à vivre. Nous les recherchons, mais un simple désir peut innocemment développer un champ de grande complexité autour de lui. Nous voulons le bonheur, ou une relation, ou faire le travail que nous aimons. Lorsque les circonstances nous en empêchent, nous pouvons devenir tristes, en colère ou désespérés et partir à la recherche de multiples solutions, substituts et distractions. Le désir originel authentique se perd alors dans un réseau virtuel de sosies factices.
La sagesse contemplative dit qu'il faut se détacher du désir. Mais de quel genre de désir ? Le Carême nous entraîne à la maîtrise de soi. La discipline spirituelle nous enseigne le discernement, non pas pour abandonner le désir originel, mais pour séparer les brebis des chèvres parmi nos nombreuses ambitions et rêves secondaires .Le désir originel transcende alors le désir dans la pureté du cœur. Ce n'est pas le désir d'une chose mais un bonheur imminent prêt à rester non possessif. C'est le désir de Dieu, aligné sur Dieu d'une manière que le désir égocentrique ne pourra jamais obtenir.
Quand j'étais enfant, je désirais ardemment une bicyclette. Lorsqu’elle arriva, j'étais en extase. Puis je fus douloureusement frustré et humilié par mon incapacité à la conduire. Mon simple désir avait été satisfait : le problème était de jouir de ce que j'avais voulu en renonçant au désir. Je voulais juste enfourcher mon vélo flambant neuf et partir avec en réalisant mes rêves de liberté. Je ne comprenais pas l'apprentissage et la patience nécessaires pour gérer l'obtention de ce qu’on veut. Le vélo me l'a appris à travers des échecs, des chutes et une légère commotion. Puis j’y suis parvenu. La méditation prend plus de temps mais enseigne le même principe de simplicité sur la façon de recevoir un don.
Nous désirons profondément trouver le noyau simple de la réalité. Cela s’avère plus difficile que nous l'imaginions. Nous pouvons essayer de disséquer la réalité par une analyse excessive, un contrôle intellectuel ou un fondamentalisme religieux, afin de couper court à travers les couches de la vie ordinaire. Mais c'est dans la vie telle que nous la vivons, tangible, désordonnée et imprévisible, que la lumière simple et rayonnante de Dieu brille et s'imprègne en nous. Dieu est d'une simplicité infinie.
Dieu est aussi éternellement présent. En compliquant les choses, nous imaginons le moment présent comme le gel de l'un des tic-tac fugaces de l'horloge de notre vie. Mais on ne peut pas geler le temps. La présence éternelle de Dieu est dans et hors du temps ; elle est le cœur du temps.
Je ne connais pas de moyen plus simple pour entrer dans l’instant présent que de dire le mantra. Comme le vélo, il se maîtrise par l'échec et, comme le vélo, nous ne le faisons correctement que lorsque nous cessons de penser à le faire.
Le temps est un problème qui se résout par l'immobilité. Les angoisses de l'avenir, les résurgences du passé qui peuvent inonder nos sentiments, se résolvent avec le temps et par une présence plus intense. Aucune théologie ou neurologie ne peut expliquer l'immense pouvoir de l'amour libéré par ce calme profond. Quoi qu'il puisse être d’autre dans le monde, le contemplatif est un amoureux et un artiste. La contemplation libère un flot de beauté et la beauté nous montre comment la simplicité du tout se manifeste dans le présent car elle est présente en chaque particule de chaque partie.
Laurence Freeman OSB