Carême 2023 – Jeudi de la 2e semaine de Carême – 9 mars 2023
Réflexions quotidiennes du Carême 2023 :
Jeudi de la 2e semaine de Carême (9 mars 2023)
Même dans notre monde chaotique, la contemplation n'a pas disparu. Elle ne peut jamais être complètement perdue car, tout comme la beauté et l'espoir, elle est une faim et un besoin inextinguibles dans le cœur des hommes. Ce qui change d'une période et d’une culture à l'autre, c'est la façon dont nous comprenons la contemplation, sa nature, son but et la façon dont nous la cultivons. La contemplation crée sa propre lumière par laquelle nous la voyons pour ce qu'elle est.
À une époque de foi, nous comprenons la contemplation comme l'entrée dans une union indivise avec Dieu. Sur notre chemin vers l'unité avec la source, le fondement et le but de notre être, nous nous éveillons également à notre union essentielle avec toutes les autres personnes et parties de la nature, même celles avec lesquelles nous sommes en conflit. En revanche, à l'ère du matérialisme et du consumérisme, la contemplation est réduite à une expérience privée, voire transformée en un programme payant. Ce que vous achetez avec la contemplation commerciale peut toujours être bon en soi. C’est la réduction du stress et de l'anxiété, l'amélioration du sommeil et de la santé, mais ce n'est qu'un emballage comparé à ce pour quoi les traditions contemplatives nous incitent à méditer.
Il y a une différence majeure entre les deux approches, dans la compréhension des bénéfices que la méditation apporte aux autres, qu'ils soient proches ou éloignés. Les attitudes matérialistes nous enferment dans un état d'esprit narcissique avec de terribles angles morts où nous nous concentrons principalement sur "ce que j'en retire", ce qui limite considérablement ce que nous en retirons réellement, car le matérialisme bloque l'attention pure, centrée sur l'autre, qui nous amène à la transcendance. La nature du narcissisme est que la victime ne sait pas qu'elle est narcissique, pas plus qu'un chat qui saute sur vos genoux pour s'y blottir et qui plante ses griffes dans votre jambe ne sait qu'il vous fait du mal. En restant centré vers sa vie personnelle, on devient de plus en plus limité dans son niveau d'empathie pour les autres.
Si, en revanche, vous abordez votre travail contemplatif quotidien avec un esprit ouvert à sa dimension et à son objectif les plus profonds, avec un sens du mystère et non un objectif d'acquisition, alors la méditation sera tout à fait différente. Votre approche et votre pratique ne seront pas les mêmes. Le Nuage de l'inconnaissance dit que nous devons veiller à notre santé et à notre bien-être pour pouvoir méditer. Il est plus difficile de le faire quand on a de la fièvre ou que l'on souffre. C'est l'image inverse de la méditation qui vise principalement à se sentir mieux à court terme. Julienne de Norwich dit que "la prière n'est pas une occupation oisive. Elle est un instrument très puissant de notre travail et de notre amour". Dans cette optique, chaque méditation devient un bon travail qui fait ressortir ce qu'il y a de meilleur en vous et apporte des bienfaits aux autres.
Le réseau d'existence d'Indra est un symbole de connexion universelle dans lequel tout est lié et où chaque point de rencontre est un joyau unique reflétant l'ensemble auquel il appartient. C'est tout simplement ainsi que les choses se passent et c'est donc par la pratique, la pratique et la pratique que chacun en vient à se comprendre en relation avec les autres. Quelle différence entre la vision de la réalité et du monde et celle de l'individu replié sur lui-même ! Les apôtres étaient en train de réparer leurs filets lorsque Jésus passa et les appela à le suivre. Ainsi en est-il pour nous, même dans notre méditation distraite de chaque jour.
Laurence Freeman OSB