Carême 2023 – Dimanche des rameaux – 2 avril 2023

Réflexions quotidiennes du Carême 2023 :
Dimanche des rameaux (2 avril 2023)
Mt 21,1-11
Liturgiquement aujourd'hui, après quarante jours d'errance dans le désert, nous commençons à entrer dans le mystère qui mène à la terre promise. Pour donner un sens à tout cela, nous devons participer, dans la mesure du possible, aux jeux sacrés : en particulier le jeu consistant à raconter une histoire qui devient, premièrement, une clé de l'énigme de notre propre vie et, deuxièmement, un laissez-passer pour le mystère de tout être et de toute existence.
Le mot "mystère" peut nous faire penser à une histoire d'Agatha Christie ou de Sherlock Holmes qui se démêle et s’explique rationnellement. Ou, plus intéressant, il suggère le terme « mysterion », utilisé vingt-sept fois dans le Nouveau Testament. Il renvoie à une réalité mystique que chacun peut expérimenter, mais qui est supra-rationnelle ou supra-logique. Dans l'Antiquité, les "religions à mystères" étaient des cultes par lesquels les néophytes étaient initiés rituellement à des secrets qui ne devaient jamais être révélés à des étrangers. Le christianisme primitif présente certaines similitudes avec ces derniers, mais avec la grande différence, comme le dit saint Paul, que "le secret, c'est le Christ en vous, l'espérance d'une gloire à venir". Le récit de l'histoire de Jésus à travers les Ecritures est le rituel essentiel de cette Semaine Sainte, lié à d'autres rites liturgiques qu'un enfant peut apprécier - et que nous pouvons apprécier aussi, si nous pouvons être comme des enfants. Ici à Bonnevaux, si le temps le permet, nous commencerons la procession du dimanche des Rameaux avec un âne qu'un voisin confiant nous a prêté. Le samedi, lors de la veillée pascale, nous ferons ce que tout le monde aime faire, et nous allumerons un feu de joie mystique.
Un mystère est quelque chose que nous rencontrons mais qui demande une révélation et une interprétation. Nous avons l'impression de nous éveiller dans le mystère, comme nous pouvons parfois nous réveiller dans un rêve. L'histoire dans laquelle nous entrons recèle de nombreux archétypes. Ils nous aideront à approcher les racines de la conscience si nous pouvons écouter l'histoire avec subtilité. Nous sentirons alors émerger une structure intérieure de sens, plutôt qu'une explication que nous imposons. Nous ferons l'expérience d'un sens qui est une connexion et une résonance profondes, en nous engageant dans notre expérience de vie la plus intime, incomplète mais vivifiante. Nous sommes l'histoire que nous racontons sur nous-mêmes, mais ce que nous racontons dépend beaucoup de ceux à qui nous la racontons, de la façon dont ils nous écoutent et du lien qui se crée avec eux.
Le cadre de l'histoire de la Semaine Sainte est la ville mystique de Jérusalem, sacrée pour trois des principales religions du monde. Les habitants n'arrivent toujours pas à y vivre ensemble pacifiquement, peut-être parce qu'ils n'ont pas écouté assez attentivement les histoires que chacune d'elles raconte à son sujet. La journée d'aujourd'hui s'ouvre sur des foules en liesse, comme une équipe de football qui rentre chez elle après la coupe du monde. Jésus est le prophète qu'ils attendaient. Hosannah ! L'histoire se termine bientôt par un rejet et un échec, avec une crucifixion sur le Golgotha, la décharge de la ville sainte. "C’est fini."
Mais, bien sûr, l'histoire est sans fin, à cause de la présence, la présence toujours présente que nous ressentons dans les événements et dans leur figure centrale. Cette présence est mystérieusement éternelle, impossible à verbaliser. Mais elle devient de plus en plus puissante jusqu'à ce que, après une disparition brève et infiniment douloureuse, elle revienne en apportant une nouvelle dimension de la réalité, qui est plus réelle que tout et qui transforme la vie.
Laurence Freeman, o.s.b.