Carême 2023 – Dimanche de la 5e semaine de Carême – 26 mars 2023
Réflexions quotidiennes du Carême 2023 :
Dimanche de la 5e semaine de Carême (26 mars 2023)
Jn 8,1-11 La femme prise en flagrant délit d'adultère
En me promenant dans Rome hier, je suis passé devant un grand bâtiment imposant portant l'inscription "Ministero di Grazia e Giustizia", "Ministère de la Grâce et de la Justice". Vraiment ? L’association de ces termes semble étrange pour une institution laïque destinée au crime et à la punition. Les juges dispensent-ils vraiment la grâce autant que les amendes et les peines de prison ?
Plus tard, j'en ai parlé à des Romains qui ont été surpris. "Oui, c'est bien ce que ça veut dire, mais nous n'y avions jamais pensé." En considérant cela maintenant, du point de vue d'un étranger, ils ressentaient à quel point c'était étrange. L'appareil de la police, du droit, des procès et des prisons reposait-il sur un mariage mystique entre la grâce et la justice ? "La justice et la miséricorde se rencontrent" en Dieu... mais dans le ministère de la justice ? "En théorie", a dit quelqu’un. Un autre, probablement un avocat, s’est demandé si cela faisait références aux longs retards dans le système judiciaire, qui entraînent que vous pourriez mourir avant que votre cas soit entendu.
Hier, j'ai cité Wittgenstein, l'un des philosophes les plus difficiles, mais aussi le plus enclin à s'interroger sur la signification des choses ordinaires et quotidiennes. "Les aspects les plus importants des choses sont cachés en raison de leur simplicité et de leur familiarité", disait-il. Il y a des choses que nous ne voyons pas bien qu'elles soient visibles, précisément parce qu'elles sont sous nos yeux. Les choses sont transparentes. Les couches de la conscience se recouvrent.
Jésus est présent et exerce un effet progressif sur l'évolution de la conscience humaine. Sa présence est également simple et familière. Il est possible que nous nous soyons fait une idée de lui, que nous l'exaltions comme la révélation finale et complète de Dieu, ou que nous le considérions simplement comme l'un des grands acteurs à la source des traditions de sagesse. Nous passons à côté de lui sans voir sa présence ni à quel point l'esprit du Christ réconcilie toutes choses. Comme tout un chacun, le chrétien est profondément troublé par le paradoxe, porte d'entrée du mystère. Il est beaucoup plus facile de réduire la transparence et la vision de la réalité aux niveaux inférieurs de la conscience où règnent les dogmes et les morales. Ce faisant, il ne fut pas difficile de ressusciter la Loi qu'il accomplissait, en regardant à travers elle pour laisser l'Église glisser à nouveau vers un Dieu imaginaire de récompense et de punition.
Les hommes de droit amenèrent à Jésus la femme prise en flagrant délit d'adultère, comme un objet qu'ils utilisent sans ménagement pour le mettre dans l'embarras. Sera-t-il dans l’orthodoxie et appliquera-t-il la loi qui la condamnait à la lapidation ? Ou bien sera-t-il un libéral qui n'accepte pas la justice divine ?
Sa réponse montre sa présence consciente, à ce moment-là et dans l’actualité toujours présente. En les entendant, il se penche et écrit du doigt sur le sol. Ils insistent et il leur répond : "Que celui d'entre vous qui n'a jamais péché jette la première pierre." Il se penche à nouveau pour écrire sur le sol. L'un après l'autre, tous disparaissent et il reste seul avec la femme. "Quelqu'un t’a-t-il condamné ? - Non, monsieur. - Alors retourne chez toi et ne pèche plus."
Son silence signifie qu'il ne peut pas être piégé dans d'autres niveaux de conscience. L'écriture dans la poussière montre que nos esprits sont aussi impermanents que les pensées et les actions. Le ton qu'il adresse à la femme avec laquelle il se retrouve seul la rend capable de continuer à apprendre l’art difficile d’être humain. Sa présence est tout à fait transparente. Elle influe sur toute chose sans user de force. Elle révèle toute chose sans juger.
Laurence Freeman, o.s.b.