Carême 2023 – Dimanche de la 3e semaine de Carême – 12 mars 2023

Réflexions quotidiennes du Carême 2023 :
Dimanche de la 3e semaine de Carême (12 mars 2023)
Jean 4, 5-42
L'une des directions de la religion consiste à relever ce monde en le transcendant vers un royaume de clarté et de liberté à couper le souffle, au-delà des limites du mental et de la matière. La plupart des religions sont bloquées dans ces limites et enfermées dans une autre direction. Une seconde direction est descendante, vers la culture humaine. Les religions forment des institutions, des croyances et des systèmes symboliques qui ne sont utiles que tant qu'ils offrent la résistance nécessaire à la transcendance. D'où les contradictions inhérentes à la religion.
À notre époque, la religion elle-même est transformée par la crise que traverse l'humanité. La crise interne de l'Église catholique reflète ce qui se passe dans toutes les institutions chrétiennes et dans les cultures qui les environnent. Certaines questions clés reviennent et deviennent des champs de bataille intenses, en particulier la sexualité et les femmes. Cependant, les forces des deux directions de la religion sont en train de se réconcilier. S’élabore autre chose, il s'agit de transformer une religion patriarcale en une religion qui a une vision de l'humanité fondée sur l'égalité et non sur des hiérarchies de pouvoir dépassées.
D'autres religions, comme le bouddhisme et l'islam, connaissent des révolutions similaires. À cette occasion, toutes les religions pourraient s'unir d'une manière sans précédent. La culture humaine en sera transformée. Au lieu de la compétition, elles trouveront la communion dans une direction commune et plus grande de la transcendance. Les religions possèdent un noyau de conscience mystique dont elles émergent mais aussi qu'elles oublient rapidement, devenant la proie de l'égoïsme collectif du pouvoir et de la polarisation. En retrouvant la force transcendante en elle-même, chaque religion découvre qu'elle est - étonnamment - une seule et même force, comme toutes les autres religions.
Un jour de canicule, Jésus marchait avec sa communauté lorsque, vers midi, il fut fatigué et s'assit près d'un puits. Ses disciples le quittèrent pour aller acheter de la nourriture. Une femme samaritaine, qui ne se laisse dominer par aucun homme, s'approcha du puits. Les Samaritains et les Juifs étaient des ennemis jurés sur le plan religieux.
Il lui demande poliment de boire à son puits. Cette rupture des normes culturelles - lui s'adressant à une femme seule et qui plus est, une Samaritaine - la surprend. Il s'ensuit une conversation au cours de laquelle ils parviennent rapidement à une profonde reconnaissance mutuelle. Elle évoque l'immense fossé religieux qui les sépare et il lui répond que l'heure vient où les personnes véritablement religieuses transcenderont toutes leurs divisions. L'heure viendra - "en fait, elle est déjà là", ajoute-t-il - où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. Et c'est ce genre d'adorateur que veut le Père. Car ne compte ni la culture, ni la religion – mais "Dieu est esprit".
Cette rencontre extraordinaire amène Jésus à lui confesser ouvertement, à cette étrangère et à cette femme, comme à personne d'autre, qui il est, le Messie : "Moi qui te parle, je le suis". Pour un chrétien, c'est très émouvant et révélateur. Mais je pense que pour toute personne qui a un regard spirituel, cette conversation affirme la vérité de l'unité de l'humanité qui attend d'être découverte au-delà de la religion et de la culture, dans l'esprit.
Quand cela se réalisera-t-il ? Sommes-nous en train d'accoucher d'une nouvelle manifestation de cette vérité ? Oui, si nous le voulons. Le temps vient, mais en fait il est déjà là.
Laurence Freeman OSB