Carême 2022 – Lundi de la semaine sainte – 11 avril 2022

Réflexions quotidiennes du Carême 2022:
Lundi de la semaine sainte (2022-04-11)
Un centurion, debout près de la Croix, entendant les dernières paroles de Jésus remettre son esprit entre les mains de son Père et rendre son dernier soupir, dit : "Celui-ci était réellement un homme juste".
C'est le moins que l'on puisse dire de Jésus. Son enseignement et sa façon de vivre et de mourir témoignent d'une authenticité des plus rares chez un être humain. En regardant Jésus, nous voyons un grand maître de l'humanité, un modèle de ce que signifie être humain, et un exemple de ce à quoi nous pouvons aspirer. Mais parce que nous avons le sentiment qu'il est exemplaire et que nous avons tardé à apprendre ce qu'il enseigne, il est plus facile de le mettre sur un piédestal et de l'adorer de loin. C'est méconnaître radicalement son enseignement et son exemple. "Je ne vous appelle pas serviteurs... je vous appelle mes amis". "Je suis en eux et toi en moi, qu'ils soient parfaitement un". "Celui qui croit en moi fera les œuvres que j'ai faites, et il en fera même de plus grandes, parce que je vais vers le Père".
L'histoire que nous avons lue hier et qui nous fait entrer dans la Semaine sainte est - devrait être - très perturbante pour tous, surtout pour ceux qui se considèrent comme ses disciples. Elle change la façon dont nous nous voyons nous-mêmes, et dont nous voyons notre vie, notre mort et le sens ultime. Elle nous secoue brutalement - tout comme Jésus a secoué les disciples endormis à Gethsémani - pour nous réveiller de notre suffisance. Jésus nous demande "qui dites-vous que je suis". Si nous choisissons d'écouter et de réfléchir à notre réponse, nous dépassons l'horizon de tout ce que nous pensons être, pour une connaissance de soi qui nous plonge en Dieu, en l'être sans fin, sans pour autant perdre notre humanité.
Mais nous devons entièrement abandonner et transformer notre nature humaine. Nous devenons inhumains, moins qu'humains, lorsque nous n’arrivons pas à voir cette condition de notre existence. Nous sommes alors capables de crucifier un homme juste et innocent, de bombarder des femmes et des enfants innocents et d'assassiner les citoyens de Boutcha. Si nous ne nous connaissons pas nous-mêmes, nous ne pouvons pas être ce que Jésus nous enseigne que nous sommes.
Dieu est partout présent et pourtant inconnaissable. Mais lorsque nous glissons au-delà de l'horizon de l’ego, nous sommes ainsi. Connaître Dieu et se connaître soi-même signifie entrer dans une voie d'inconnaissance dans laquelle la vision se fait au-delà du filtre de la division.
Dieu est toujours absent - en tant qu'objet. On ne peut connaître Dieu qu'en participant à sa propre connaissance de soi, ce qui ne signifie pas tomber amoureux de Dieu mais tomber dans l'amour qui est Dieu. Pour ma part, le "moi" que je pense être n'est jamais heureux ou comblé car c'est un travail en cours qui pourrait s’arrêter à tout moment par manque de fondement ou parce qu’il est envahi par des forces étrangères.
Au cours de la Semaine sainte, l'Esprit que Jésus a insufflé à l'humanité nous guide pour regarder dans l'abîme que nous redoutons. Il nous enseigne sur tout ce que nous trouvons en perdant.
Laurence Freeman OSB