Parabole de l’enfant et du chat
Un enfant insouciant, qui s’amusait de tout et de rien, car tout est passe-temps à cet âge, jouait avec un chat, doucereux personnage, avec qui il partageait les mêmes goûts et les mêmes fantaisies. Cela faisait plaisir de voir toutes les gentillesses dont ce chat régalait son jeune compagnon. L’enfant payait l’esprit de son ami avec des gâteaux, des caresses et le chat multipliait ses tours. Tantôt il fait le mort, tout-à-coup il rebondit, puis s’étend sur le dos, il fait patte de velours; tantôt comme l’éclair, il se précipita au loin, mais revient toujours vers l’enfant. Tout allait bien, quand ce chat hypocrite entendit par hasard une souris marcher. Il veut courir mais l’enfant lui barre le passage. Il insiste; on tient bon, on ne veut pas se fâcher tant est joli son badinage. Alors le chat se fâche; met la griffe en avant, il s’élance sur l’enfant, déchire son visage et vole à la souris plus vite que le vent. Que d’amis semblables à ce chat! Comblez-les de bienfaits, partagez leurs plaisirs; ils sont doux, complaisants, affables; mais ne gênez pas leurs désirs. Dès que votre amitié n’a plus rien qui les flatte, leur amour inconstant s’évapore. Ils ont comme le chat des griffes à la patte, ils vous blessent en vous quittant. (Une fable d’Étienne Azéma)
Sommes-nous donc semblables à ce chat passant de la caresse à l’agression en suivant les dictats d’une nature implacable? Sommes-nous demeurés foncièrement des animaux animés d’instincts féroces tout en ayant reçu un vernis humaniste superficiel? À travers le monde, des scènes de barbarie et de guerre nous rappellent sans cesse cette violence présente au cœur de cette humanité. Ce vernis culturel, spirituel, n’est-il qu’apparence d’humanité ou transparence d’une réalité en devenir? Cette humanité semble bien être habitée par un manque, une quête qui l’angoisse et la motive à se dépasser constamment.
Avec les yeux de la foi, nous pourrions affirmer avec saint Paul : « Tous les hommes sont dominés par le péché, (par cette carence d’être à la source de toutes ces fautes), la loi de Moïse, elle, servait seulement à faire connaître le péché mais elle ne sauvait pas de l’impasse. Mais aujourd’hui, indépendamment de la Loi, Dieu a manifesté sa justice, sa sainteté, qui nous sauve : la Loi et les prophètes en sont déjà témoins. Et cette justice de Dieu, donnée par la foi en Jésus Christ, elle est pour tous ceux qui croient. En effet, il n’y a pas de différence : tous les hommes sont pécheurs (sont privés de moyens de salut), ils sont tous privés de la gloire de Dieu (de sa plénitude ou de son salut), lui qui leur donne d’être des justes, des sauvés, par sa seule grâce, en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus. Car Dieu a exposé le Christ sur la croix afin que, par l’offrande de son sang, il soit le pardon pour ceux qui croient en lui. » (Romains 3, 21-25) Comme le dit si bien l’apôtre Paul, Dieu a exposé sur la croix le Christ, comme signe du pardon et du salut. C’est l’offrande de sa vie, de son sang, qui constitue le sacrifice qui apporte le salut, la plénitude de la vie offerte à cette humanité en situation nécessiteuse de salut. C’est par la foi au Christ qu’on entre dans ce processus de salut.
C’est donc par la foi au Christ que nous partageons le rêve de Dieu sur l’humanité, faire du Christ Jésus l’aîné d’une multitude de fils et de filles de Dieu.
« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ. Dans les cieux, il nous a comblés de sa bienveillance en Jésus Christ. En lui, il nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard. Il nous a d’avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus Christ : voilà ce qu’il a voulu dans sa bienveillance, à la louange de sa gloire, de cette grâce dont il nous a comblés en son Fils bien-aimé, qui nous obtient par son sang la rédemption, le pardon de nos fautes. » (Ephésiens 1, 3-7)
Ce chat bondissant vers sa proie en déchirant le visage de l’enfant qui tentait de le retenir, nous rappelle qu’en nous aussi existe cette tension vers la violence, vers le mal. Nous sommes tous porteurs de ce péché, de cet état nécessiteux de salut. Nous sommes tous marqués par ce manque de moyens de salut et nous sommes tous portés à y remédier en prenant la voie de la puissance, de la domination, de la violence ou de la possession. Un autre chemin devient possible. C’est ce chemin que nous dévoile le Christ, Évangile de salut. Depuis le temps de la création, Dieu projetait déjà de saisir l’univers entier en réunissant tout sous un seul chef le Christ, espérance de la gloire.